Frères
Le Seigneur de Corvo était confiant,
Il avait repoussé avec aisance les deux créatures voués à sa perte, Ces nombreux jours à être poursuivi et harcelé avaient affuté ses réflexes déjà fulgurant. Il ne s'était jamais senti aussi fort.
Le corps à demi-nu, maculé de sang, frais ou séché, dépassant de quatre têtes tout ceux de sa race, le corps sculpté dans l'acier, ses mains gigantesques enserrant deux épées à sa mesure,
Qu'importe l'adversaire, il était prêt.
Les eaux putrides lui arrivait aux genoux, il ne s'en souciait guère. Le mur épais de la végétation ne laissait passer que de minces faisceaux d'une lumière sale.
Ils étaient là. Le Vorgéen sentait l'impatience dans leurs sangs, ils étaient seuls, depuis le début de sa traque, les créatures vivantes l'évitaient, plongeant ces lieux déjà lugubre dans un silence de mort.
D'un léger mouvement du torse il esquiva une première attaque ayant surgie du plafond de lianes,
L'épée de son opposant fendit les flots de fanges, fracassant le silence.
Le funeste seigneur des plumes recula : ils étaient deux, si l'un manquait, c'est qu'il attendait une faute de sa part pour porter un coup décisif.
Un être se releva, un sourire dénué de tout sentiment s'esquissa sur son visage,
- Adieu, frère.
Le Vorgéen plongea quelques instant trop tard, ayant cherché a reconnaître un de sa lignée sous le masque de souffrance affiché par la première créature.
La seconde ne l'avait manqué que de peu, des griffes avaient sérieusement entaillé ses flancs.
Il dégaine alors ses épées. Et tout commence enfin.
Les coups fusent de toutes parts, l'acier chante, les corps hurlent de souffrance et d'exaltation, les sangs coulent en choeur.
Le Huant riait, dément et furieux, son sang coulant à flot depuis les profondes entailles qui zèbrent sa poitrine.
Le Vorgéen souriait, au delà de la vengeance, il avait trouvé un défi à sa mesure, des morceaux de chairs lui avaient été arrachés, un de ses doigts pendait lamentablement de sa main, mais l'amusement froid seul était affiché.
L'autre hurlait de douleur, son visage rouge de sang, une oreille lui manquait. Il bavait, manquant de s'étouffer dans des gargouillis. Il avait été transpercé par son frère mais cette blessure mortelle ne semblait pas le gêner.
D'un coup puissant le Vorgéen décolla le Huant avant de le coller à un arbre, enfonçant jusqu'à la garde son épée dans l'être abject et dans le tronc pourri derrière lui.
Loin d'être mort, le Huant agrippa, de ses longs bras, le poignet du Seigneur des Plumes et le brisa d'une torsion.
Il riait encore, enferré à l'arbre.
Le frère, le lâche, bondit, frappant de ses mains nues. Il lacéra le visage du Vorgéen et l'agrippa par les cheveux avant de lui éclater le crâne à plusieurs reprises contre des rochers. Pour finir, il noya son parent.
Quand le Vorgéen eut fini de se débattre, il laissa le corps dériver vers quelques charognards.
- Libère moi, crevure !
Enfin le Huant était à sa portée. Il ramassa la seconde lame de son frère et la planta en travers du crâne du Huant.
L'immonde cessa enfin de rire, un flot de sang monta à ses lèvres. Le sans-nom ne se retourna pas pour contempler le spectacle unique du Huant agonisant, le corps pris de convulsions s'agitant comme une marionnette saugrenue.
Il prit la direction de l'Ouest et nul ne le revit...
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