- L'héritier des Larn
"Il était Sirendor Larn, dernier héritier de la famille Larn, une des nombreuses familles de Noble-Née du sud. Héros de la guerre contre les gobelyns, il était Lame-Roy.
Il s'est éteint...
Voici sa légende, voici ses hauts faits."
Au pied de la montagne de Morte-Pierre.
Niché sur une pente paresseuse, derrière son écran de lierre, se dresse la Forteresse des Larn, une masse de pierre, rongée par le temps et supporté par des moyens inconnus. Menaçante et sombre, une tour s'élève en un poing blasphématoire.
Au pied de l'architecture mutilée, s'étend une ville jusqu'aux eaux iodées des Suppliques, cette mer pleine d'étranges murmures.
Depuis des année, le silence se perd dans le brouhaha des soldats ivres, le relent fétide des marchés imprègnent la pierre, et les antiques architecture ont laissés place aux bordels et échopes pour les marchands venus des Terres de Sef et d'ailleurs.
Ici, le port claque des mats et des cordages, le quai renverse ses caisses trop usées par les eaux salées de Supplique, trop érodées par les vents d'un lointain inconnus.
A l'écart de ces amas de pierres et de chairs, se livre un combat.
Il sent le métal de la garde chauffer au contact de sa peau. Immobile et calme, Sirendor attend. Mais qu’attend-il ?
Soudain, le Daronoan qui lui faisait face bondit, sa lame s’abattant sur Larn, qui pare le coup, le corps vibrant sous l’effort. D’un geste souple, Sirendor dévie son épée, et encore, et encore. Sirendor esquive à nouveau, tournant sur lui-même, le déstabilisant, mais l'assaillant, rapide, le gratifie d’une tape sur la cuisse du plat de l’épée.
Il grogne, il siffle, furieux et honteux aussi, de subir ainsi ses coups.
"- Sirendor ?
- Dégagez !"
Trop tard, le Daronoan est sur lui, lui saisissant le poignet qui tenait la lame, tandis que le pommeau de son épée vient s'écraser sur le visage de Sirendor, qui s'écrase là, au sol, lamentablement. Le goût de la terre et du sang, il crache et pousse un juron.
"- Chiens !
- Sirendor ! Tu t’es laissé déconcentrée, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même !"
La voix du maître d’arme est douloureuse au creux de son oreille, bien plus que tous les coups qu’il a pu lui porter jusqu’alors.
"- Oui, maître..."
Les mots sortent de sa bouche en laissant un goût amer sur sa langue. Il se lève, grogne, massant sa mâchoire endolorie, le regard mauvais braqué sur l’intrus qui vient d'entrer dans la salle.
Le domestique sent qu’il a commis une faute grossière, il marmonne entre ses lèvres pincées quelques mots d'excuses incompréhensibles. Sirendor s’agace, faisant craquer ses articulations.
L'homme se raidit et se met à hurler son message, avant de s’enfuir sans demander son reste.
"- Votre père souhaite s’entretenir avec vous."
Sirendor sourit...
Le vieux fou c'était enfin décidé...
Ses pas foulent la pierre froide de l'antique forteresse, se glissant, sous le regards des feux Larn, dans les longs couloirs sombres, ornés de scènes d'anciennes batailles, d'un temps ou les Kerl Ad Sharods ne végétaient pas dans leur décadence. L'âge d'or de cette Maisonnée s'en est allé. Demain, il reviendra…
Les Gobelyns venaient d'offrir aux farouches guerriers Sharods une guerre. Ils ne rentreront plus chez eux, en Morte-Pierre.
Ils feront la guerre, rien que la guerre. Sans faiblesses, sans hésitations et avec tous les instruments imaginables. Ainsi Orânhon saura qu'il est défendu par les farouches Kerl Ad Sharods...
Bientôt ils rêveront des hordes éphémérides,
La tranquillité de sa baronnie et des ports dégoulinants de Morte-Pierre leur manqueront, où les draps de roses de femmes humaines ne satisfont que les désirs des étrangers peuplant ses terres, où le sommeil n'est pas un luxe, et où la peur des Gobelyns est un songe encore suffisamment lointain.
Ils connaissent leur destin, car il est gravé en lettre de feu dans les astres. Ce sont des chiens fous, dont peu survivront, et c'est ainsi que tous les Daronoans les connaitront : par leurs exploits. Tous apprendront qui étaient leurs ancêtres, qui étaient les Sharods.
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